La finance face aux limites planétaires, résumé du livre

Un dialogue entre un philosophe écolo et un financier chevronné. C’est comme cela que le livre nous est vendu.

Dominique Bourg, philosophe écologiste, et Philippe Zaouati, directeur de Mirova, une société de gestion d’actifs responsables, se sont retrouvés en août 2022 au festival « Agir pour le vivant« .

La rencontre a été immortalisée par Anne-Cécile Bras dans le livre La Finance face aux limites planétaires.

Très honnêtement, j’ai eu l’impression de lire la retranscription d’une interview Thinkerviw, et comme dans une interview de Thinkerview, il y a du bon et du moins bon.

Ce résumé met en lumière les meilleurs passages du livre.

L’argent reste le nerf de la guerre

On ne parviendra à rien sans mobiliser de gigantesques ressources financières.

Cette phrase prononcée par Dominique Bourg, l’écologiste du duo, est plutôt satisfaisante. Si elle avait été prononcée par Philippe Zaouti, l’investisseur, elle n’aurait pas eu le même impact.

Maintes fois, je l’ai écrit sur ce blog et dans mes newsletters : les écolos, trop souvent, jouent les anticapitalistes farouches, mais dès qu’il s’agit de lancer un projet, hop, ils font appel aux dons :

Faudrait savoir ! L’argent n’est peut-être pas si mal, après tout ?

Philippe Zaouti rajoute, est-ce que le système capitaliste est le meilleur ? Je ne pense pas, mais il est sûr qu’on ne se débarrassera pas de lui dans les 20 ans à venir, or, c’est dans ce laps de temps qu’il faut trouver une solution, j’en déduis que c’est à l’intérieur de ce modèle que nous devons imaginer l’avenir.

Puis, il cite une interview qui enfonce le clou, de François Gemenne, co-auteur du sixième rapport du GIEC, titrée : « La posture anti-capitaliste retarde l’action climatique« .

Le ton est donné. Ceux qui croient encore qu’on peut dissocier argent et écologie, se mettent le doigt dans l’œil, à condition que les fonds soient évidemment bien orientés.

La tristesse des investissements actuels

Les épargnants veulent tous la même chose : zéro risque, maxi rendement.

Face à ce problème, la solution que l’on trouve rapidement via le web est de placer son argent sur un ETF.

C’est par exemple ce qui est expliqué dans une partie du wiki du Reddit vosfinances. Et on comprend assez rapidement, que pour aller au plus simple, il suffit d’investir sur un ETF « monde », c’est-à-dire un ETF qui rassemble les entreprises les plus performantes de la planète.

Autrement dit, lorsqu’une entreprise est rentable, elle est intégrée à l’indice, et si elle n’est plus rentable, elle sort de l’indice. C’est la manière la plus simple et la plus « sûre » d’investir son argent aujourd’hui.

Le problème avec cette méthode, c’est que les investisseurs attendent bêtement que les entreprises écolos deviennent les plus rentables. Or, pour changer la donne, on a besoin que l’argent soit redirigé au bon endroit tout de suite.

Acheter un ETF monde sans se poser de question, c’est accepter un monde à +4°c, simplement parce que ça serait la meilleure solution pour l’investisseur.

La finance face à la sobriété et la décroissance

Tant qu’il s’agit de stimuler l’innovation, de réaliser des gains de productivité, d’être plus efficace, la finance trouve sa place, mais comment penser une finance qui se satisfera d’une forme de ralentissement ?

C’est extrêmement difficile parce que par essence, la mission de la finance est d’accompagner un développement économique. Pour ça, il n’y a qu’une solution, ce développement économique doit se faire autant par une plus grande prise de conscience de la population, que par des normes imposées par l’état.

Le rôle de l’État comme catalyseur

Mais attention, ces normes doivent porter sur la production et non sur la demande, ça sera beaucoup plus facile à faire accepter socialement.

Exactement comme la loi européenne sur l’interdiction de la vente de voitures neuves à essence et diesel à partir de 2035.

D’autres exemples du même type :

  • imposé un poids de véhicule à ne pas dépasser
  • débrancher les écrans publicitaires
  • éteindre les lumières des boutiques et des bureaux
  • réduire davantage le plastique

Une autre solution récompensante, l’éco-détaxe

Cette solution, pensée par Philippe Zaouati et le sociologue Nathan Stern, serait de mettre en place une éco-détaxe.

À l’instar du nutri-score ou l’étiquette énergétique que l’on trouve sur les frigos, machines à laver, etc, on pourrait noter les produits les plus écologiques et les rendre plus attractifs et moins couteux avec, par exemple, une baisse de la TVA.

Les consommateurs se reportent déjà naturellement sur les produits les mieux notés. Il en serait de même avec cette nouvelle notation.

Le problème, c’est que plus, on fait des efforts, plus notre consommation continue d’augmenter. De mémoire, c’est sur cette constatation que commence le documentaire Legacy de Yann Arthus-Bertrand.

Il explique que les énergies vertes se sont bien développées, mais on consomme toujours plus d’énergie. Alors à quoi bon faire des efforts si c’est pour continuer dans la même direction ?

Une réponse possible est que la richesse doit devenir immatérielle et humano centrée.

Repenser la richesse

On en vient à la partie « prise de conscience de la population ».

Nous nous sommes construits autour de l’association d’un statut à un nombre croissant d’objets. Le poids du consumérisme est tel qu’en sortir passera très certainement par un tunnel de frustrations.

Pour contrecarrer cette frustration et en même temps continuer à stimuler la finance, il s’agit de réduire les volumes tout en maintenant une de création de richesse.

La croissance à bannir est la croissance matérielle, mais devenir plus intelligent, plus généreux, ne pose aucun problème. C’est exactement ce qu’expliquait Aurélien Barreau.

Ne croyons pas que l’écologie est castratrice ou décroissante, elle appelle à toutes les croissances fondamentales, sauf cette infime part de nos activités qui est l’accumulation de biens matériels, détruisant les conditions d’habitabilité de notre planète.

Le futur de la consommation est immatériel, mais pour ça, nous devons inventer de nouveaux imaginaires, réorienter la publicité et les narratifs de la consommation.

La finance durable : un réveil nécessaire pour toute la société

Pour engager un cercle vertueux, le pouvoir politique a un rôle majeur à jouer.

On ne peut pas demander aux citoyens de faire des efforts, alors qu’ils voient les plus riches continuer à se comporter de façon inacceptable.

La finance durable n’est pas la solution à elle seule

Nous sommes dans un temps suspendu, en attendant la prochaine crise ou même l’effondrement, mais c’est la société entière qui doit se réveiller, le système économique, industriel, politique.

Précédemment, on parlait des investissements dans un ETF monde, parce que c’est le plus rentable, mais dans le passé, une communauté avait déjà décidé de baisser sa rentabilité pour changer les choses.

La communauté Quaker, en Afrique du Sud pendant l’apartheid, avait fait le choix de ne plus investir dans ce qui était le plus rentable : le commerce des esclaves et la vente d’armes.

Ce moment où les investisseurs décidèrent de boycotter ces activités, exerçant ainsi une pression très forte, contribua sans doute à la chute du régime.

Que faire concrètement de toutes ces informations ?

C’est une question que je me pose régulièrement.

On vit dans l’infobésité. On nous abreuve en permanence de toutes sortes d’informations. C’est bien, ça permet de comprendre le monde dans lequel on vit, mais concrètement, comment les traduire à notre échelle ?

Eh bien, en ce qui concerne ce résumé : faire tout ce qui est préconisé sur ce blog. Sans vouloir me la raconter, ce livre n’est qu’une confirmation de tout ce que le blog prône déjà :

Je pourrais très bien mettre toutes mes économies dans un ETF monde et attendre que ça me rapporte un maximum, surtout que je n’ai pas d’enfant.

Je pourrais être en mode, « je me fous du monde que je vais laisser, je veux juste m’amuser et profiter de la vie, tant pis pour les conséquences« , mais non.

À la place, j’ai décidé de baisser ma rentabilité et de me tourner vers une vie plus immatérielle, car je sais que l’on devra passer par cette phase.

Le choix est entre nos mains, maintenant ou plus tard, mais il est inévitable. Alors, autant le faire avant que la planète ne surchauffe définitivement, non ?

Photo Milica Spasojevic

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