Jean-Marc Jancovici à Science Po : La transition énergétique

Le texte suivant est un résumé des principales idées développées par Jean-Marc Jancovici lors de sa conférence à Science Po ayant comme sujet : « La transition énergétique »

Allons droit au but : un tiers des camions en circulation aujourd’hui servent à transporter de la nourriture.

Si ces camions n’ont plus de pétrole, on ne mange plus, car à l’heure actuelle, il est impossible d’acheminer toute la nourriture nécessaire par trains et chevaux.

Va-t-on avoir de l’énergie ad vitam æternam ?

La réponse et non et c’est facile à comprendre.

Le stock de combustible disponible sous terre est donné une fois pour toute.

À partir du moment où vous tapez dans un stock de départ donné une fois pour toute, les mathématiques vous interdisent d’avoir une production indéfiniment croissante, et vous interdisent même d’avoir une production constante, sinon ça voudrait dire que le stock est infini.

La seule chose que l’on peut avoir, c’est une production qui aura une fin avec un pic maximum au milieu.

Bien évidemment, ceci vaut pour le pétrole, mais également pour le gaz, le cuivre, l’aluminium, le cobalt, etc.

Et vous savez quoi ? Toutes les ressources ont passé leur pic en 2008, et depuis ça ne fait que décliner. Sauf que ça, personne n’en parle.

D’après l’ensemble des pétroliers, à partir de 2020 à plus ou moins 5 ans, l’approvisionnement mondial de pétrole va se contracter.

Nous avons déjà transitionné

Si si, l’homme a déjà fait sa transition énergétique.

Cela fait 3 siècles qu’on a passé notre temps à aller des énergies renouvelables, à des énergies fossiles.

On avait des bateaux à voiles, mais on s’est dit que pour faire venir les conteneurs de Chine, il valait mieux une marine fossile.

On avait des charrettes avec des chevaux, mais on s’est dit que pour faire venir des aliments du sud de la France à Paris, il valait mieux de gros camions à énergie fossile.

On avait une agriculture 100% renouvelable, mais pour pouvoir manger de la viande à tous les repas, il valait mieux avoir une agriculture 100% fossile.

Bref, tu as compris l’idée.

La meilleure énergie, c’est celle qu’on n’utilise pas

Faux.

Si tu peux lire cet article sur ce blog, c’est jusqu’à aujourd’hui l’énergie n’a pas été économisé.

Le problème maintenant est comme on a passé les pics de production, il est temps de ralentir et même de décroitre.

Sauf que garder notre confort tout en entamant une décroissance ne sera pas possible.

Même le mode de vie du smicard n’est pas soutenable. Oui, le smicard vit comme un nabab, c’est un drame politique, mais on ne peut pas lui dire.

Auto-destruction ?

Face à cette décroissance que la nature nous imposera, il n’est pas certain que l’on garde notre système démocratique.

La démocratie c’est l’art de promettre toujours plus à tout le monde.

Or, dans un monde sans croissance, promettre plus à quelqu’un, c’est promettre moins à un autre.

Non, les énergies renouvelables ne se développent pas

Voici comment à varier la quantité d’énergie utilisée sur terre entre 2000 et 2015 :

Ce qui a le plus augmenté, et de très très loin, ce sont les énergies fossiles et non les énergies renouvelables.

Par exemple, la consommation de charbon a augmenté de 5 à 10 fois plus que les 2 énergies renouvelables dont on adore parler : l’éolien et le solaire.

Nous ne sommes pas du tout en train de régler le problème, mais au contraire, de l’accroitre.

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, l’installation de centrales à charbon continue de se faire. Encore plus avec la guerre en Ukraine.

Ce qu’il faut savoir sur les centrales à Charbon

Pour donner un exemple, la centrale de Neurath qui fait 4 gigas watt electric – l’équivalent d’une centrale française de 4 réacteurs – consomme 50 000 tonnes de charbon par jour !

Elle évacue 10 000 tonnes de cendre par jour !

Le charbon est un pondéreux – de matière dense – ce qui veut dire que la chaine logistique du charbon est une horreur absolue.

Il faut construire des terminaux portuaires dédiés et d’ énormes entrepôts pour stocker le tout.

Donc, le charbon passe rarement les frontières.

C’est plutôt une énergie domestique, consommée par l’émetteur.

Il faut savoir que seulement 8 pays dans le monde détiennent 90% de cette ressource.

De ce fait, 8 pays dans le monde ont une part essentielle de la solution au problème climatique :

  • États-Unis
  • Chine
  • Russie
  • Australie
  • Kazakstan
  • Afrique du Sud
  • Allemagne
  • Inde

Alors, quand la France se gargarise de vendre des rafales à l’Inde, elle ferait mieux de leur vendre des centrales nucléaires.

La paix dans le monde s’en porterait beaucoup mieux.

Ok c’est la merde, qu’est-ce qu’il va se passer ?

L’effet de serre est connu depuis deux siècles.

Depuis un siècle, on sait ce qui se passe quand on double la quantité de CO2 dans l’air.

En gros, on connait très bien le dossier scientifique depuis très longtemps.

Les gens qui disent que tout « ça, c’est des conneries » sont tous des imposteurs.

On produit, on consomme, donc on continue d’émettre du CO2 de manière croissante.

S’il y a qu’une chose à retenir :

Le CO2 étant un oxyde, c’est une molécule chimiquement inerte une fois qu’il est dans l’air.

Il n’y a donc pas de mécanisme d’épuration rapide. Aurélien Barrau l’abordait déjà chez Thinkerview.

Si demain matin, j’arrêtais les émissions de CO2, concernant le surplus que nous avons déjà créé :

  • dans un siècle, il en restera à peu près la moitié
  • dans un millénaire, il en restera à peu près 20%
  • dans 10 000 ans, il en restera à peu près 10%

Le processus est fondamentalement irréversible, il n’y a pas de bouton reset.

Ce sont des problèmes qui sont à gérer sur des durées qui dépassent notre entendement, et qui dépassent à l’évidence un mandat politique.

L’expérience est tellement inédite, qu’il est impossible de prédire tout ce qu’il va se passer

Tout ce qu’on peut dire : ça sera la guerre partout.

Un monde qui ne s’occupe pas du changement climatique, est un monde conflictuel, violent, dans lequel on peut oublier les promesses de croissances, le plus pour tout le monde, la paix, et dont le seul problème est de savoir comment fait-on revenir les touristes japonais à Paris.

On continue d’avoir des politiques compléments connes

D’abord, il y a une incapacité très forte de la classe politique à faire la pédagogie des problèmes.

Comme le disait Albert Dupontel chez Thinkerview : ils n’ont pas l’humilité de dire « excusez-nous, on ne sait pas » ou encore « désolé, nous n’avons pas de masque, on va en faire. » (concernant la crise de la COVID.)

Dès lors qu’il n’y a pas de pédagogie, tout effort est insupportable.

À l’époque des gilets jaunes, ils ont dit : « on va vous augmenter le prix du carburant », sans dire le pourquoi du comment. Sans dire que c’est pour maintenir la paix dans le pays, sans dire parce qu’il y a moins de pétrole, etc.

Mais également les médias ne font pas leur job, l’éducation nationale ne fait pas son job.

Personne n’a de cours obligatoire sur ce genre de sujet.

Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

L’association de Jean-Marc Jancovici, The Shift Project, a lancé en 2016 « Decarbonize Europe« , un manifeste de 9 propositions pour décarboniser l’Europe :

  • Fermer toutes les centrales à charbon
  • Généraliser la voiture à moins de 2L/100Km
  • Réussir la révolution du transport en ville
  • Tripler le réseau des trains à grande vitesse
  • Inventer l’industrie lourde post-carbonne
  • Rénover les logements anciens
  • Lancer le grand chantier de rénovation des bâtiments publics
  • Développer la séquestration de carbonne par les forêts européennes
  • Réussir le passage à l’agriculture durable

Ces propositions sont destinées à des politiques, alors que peut-on faire à titre personnel ?

On peut commencer par estimer son empreinte carbone, grâce à des questionnaires comme nogestesclimat.fr ou goodplanet.org.

La conclusion de ces questionnaires amènera des pistes d’améliorations, mais peut-être les connais-tu déjà :

  • Diminuer la consommation de viande, voir devenir végétarien/végétalien
  • Privilégier les produits locaux et de saisons
  • Habiter proche de son travail pour y aller à pied ou à vélo
  • Si ce n’est pas possible, privilégier les transports publics
  • Changer de voiture pour une qui consomme au maximum 2L/100Km
  • Garder au maximum ses appareils électroniques et informatiques
  • Les réparer si besoin
  • Rénover son logement pour diminuer sa consommation d’énergie

Jean-Marc Jancovici nous dit texto :

Comprendre le poids du numérique. Acheter le moins possible d’ordinateur et de smartphone. Les plus petits possible et le moins souvent possible.

Si vous avez un abonnement Netflix, résiliez-le. Netflix occupe à lui seul 20% de la bande passante dans le monde, donc 20% des composants réseau, d’antennes, des serveurs et l’entretien de tout ça.

Dans l’alimentation, c’est la viande rouge qui pose problème.

Dans les transports, si vous prenez l’avion, prenez plutôt le train ou le bateau.

En gros, si vous comprenez d’où vient le problème, vous aurez déjà compris une partie des solutions.

Tout ce que je vous demande : n’allez pas pécher la définition du problème dans la presse.

Je conclurai à titre personnel par : continuer de voter avec sa carte bleue.

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