Jean-Marc Jancovici : « Anticiper l’effondrement énergétique ? » sur Thinkerview

Je connaissais Jean-Marc Jancovici que de nom, mais plusieurs sources m’amenaient vers lui. À plusieurs reprises j’ai entendu : « écoutez les interventions de Jean-Marc Jancovici, même si vous n’êtes pas écolo. »

Je suis bien obligé de l’avouer il est vraiment bon dans son discours et on sent que le sujet est complètement maitrisé.

Le texte suivant est un résumé des principales idées développées par Jean-Marc Jancovici lors de son interview chez Thinkerview ayant comme sujet : « Anticiper l’effondrement énergétique ? »

La peur du nucléaire

Aujourd’hui, les gens ont plus peur du nucléaire que des accidents de voiture. Alors qu’en ce qui me concerne, ce qui m’inquiète le plus pour mes gosses, c’est les accidents de voiture, la cigarette, mais pas le nucléaire.

De plus, le nucléaire fait appel à un truc que les Français adorent : le combat du gros contre le petit.

Quand le petit se bat contre le gros, il a raison par principe. Donc quand la petite ONG environnementale se bat contre le gros EDF, l’ONG remporte notre affection par principe.

Tchernobyl

Si ça pète en France, ça ne fera pas Tchernobyl pour une raison assez simple : les centrales ne sont pas du tout les mêmes.

Les centrales françaises ont une enceinte de confinement, Tchernobyl n’en avait pas.

Tchernobyl avait du graphite dans le cœur – ce qui a provoqué un incendie et un panache qui est monté très haut dans l’atmosphère – les centrales françaises n’en ont pas.

Fukushima

En cas d’accident nucléaire, le risque pour la population, c’est celui de l’évacuation. À Fukushima l’évacuation a fait des centaines de morts à cause du stress. Si les gens étaient restés sur place, les radiations en auraient fait zéro.

Il existe un comité scientifique appelé UNSCEAR (voir aussi la page Wikipedia). Ce comité est au nucléaire, ce que le GIEC est à l’environnement.

Une étude a été faite par ce comité et il en ressort que la dose libérée dans l’environnement n’aura pas d’effet sur l’environnement et n’aurait pas eu d’effet sur les populations si elles étaient restées là où elles étaient.

Le plus vieux stockage nucléaire au monde

Au Gabon, dans la ville d’Oklo, se trouve une mine d’uranium âgée de 2 milliards d’années.

Il y a 2 milliards d’années, cet uranium était celui qu’on trouve dans nos centrales actuelles.

Bien évidemment, la mine d’Oklo a fait face à des infiltrations d’eau, comme n’importe quelles terres. À cette époque, il n’y avait pas un homme pour surveiller que la sureté était bien respectée et il n’y avait pas un homme pour s’occuper de prendre les déchets nucléaires et les mettre ailleurs.

Au final, il n’y a pas eu de catastrophe.

Ce qui prouve également que concernant les déchets nucléaires, il suffit simplement de faire un trou à 450 mètres de profondeur, de les enterrer et de les oublier.

Le mix énergétique de nos jours

Environ 80% du mix énergétique est composé de combustibles fossiles répartis de la façon suivante :

  • 30% de pétrole
  • un peu moins de 30% en charbon
  • et un peu plus de 20% de gaz

L’énergie qui a le plus augmenté ces 10 dernières années, c’est le charbon.

L’énergie nucléaire quant à elle, ne représente que 5% de la consommation mondiale.

Ce qu’il faut comprendre c’est qu’en arrêtant l’énergie nucléaire, on accélère la décroissance – vu que les énergies fossiles vont manquer – mais en plus, on accélère le réchauffement climatique, puisque c’est le charbon qui prendrait le relais.

C’est là qu’est l’aberration écologique, en voulant arrêter le nucléaire, on accélère un des problèmes majeurs de l’humanité : le réchauffement climatique.

L’Allemagne a choisi

L’Allemagne a choisi : le nucléaire est pire que le réchauffement climatique.

Cela fait 10 ans que notre voisin européen a décidé de développer les énergies renouvelables pour baisser le nucléaire, puis diminuer le charbon par la suite.

Sauf que l’Allemagne commence à comprendre que baisser le nucléaire et le charbon va contraindre à baisser l’approvisionnement électrique et bien évidement, les économistes allemands n’ont aucune envie de voir ça arriver.

L’Allemagne arrive donc dans une impasse.

L’énergie : carburant de l’économie

L’énergie est par définition un flux physique. L’économie quant à elle, sert à créer des flux physiques.

Quand je transforme un minerai de fer en fer, c’est un flux physique, quand je transforme du fer en boulon, c’est toujours un flux physique.

Plus il y a d’énergie, plus je suis capable de faire fonctionner de machines, plus je suis capable de créer de flux physiques.

Il y a donc un lien inexorable entre la production économique comme on l’entend aujourd’hui, c’est-à-dire mesurée en euros, et la quantité d’énergie qu’on met en mouvement pour produire ces flux physiques qui auront une contrepartie en euros.

Ce qui veut dire que dans notre système actuel, il n’y a pas encore de moyen de baisser significativement la consommation d’énergie, sans contracter l’économie.

Et c’est en partie cette histoire d’énergie qui a créé la crise de 2008.

La crise de 2008

Dans les pays riches, l’approvisionnement énergétique a atteint son maximum en 2006.

C’est parce que l’approvisionnement énergétique a commencé à décliner, que la croissance économique à commencer à ralentir et c’est à ce moment précis que le prix de l’immobilier à commencer à grimper aux États-Unis. Cette augmentation à alors entrainé la crise financière que l’on a connu. Cela c’est ensuite propagé en Europe dans une moindre mesure.

L’autre conséquence d’une crise énergétique est le nombre d’emplois qui baisse. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’y a plus un seul métier qui ne dépende pas de machine.

Le métro pour aller travailler, le téléphone pour communiquer, l’ordinateur pour le reste.

Même le fabricant de foie gras est dépendant de tout un tas de machines pour créer son produit.

À partir du moment où l’approvisionnement d’énergie est contracté, il y a moins de machines qui travaillent, donc il y a besoin de moins de monde pour piloter ses machines.

Il est évident que dans les années à venir, nous allons être mis à la diète énergétique, donc un des enjeux va être d’apprendre à vivre avec une économie qui se contracte, sans se castagner.

L’énergie est synonyme de confort de vie

Ce qu’il faut bien comprendre c’est que l’humanité a considérablement évoluée grâce aux énergies. C’est d’ailleurs exactement sur ce point que le documentaire Legacy démarre.

Grâce aux énergies la taille des populations a augmenté, l’espérance de vie à augmenter, le rayon d’action à augmenter : plus vite, plus loin et moins cher.

L’accès à la nourriture a augmenté, notre pouvoir d’achat a augmenté bref, c’est le bonheur.

En fait, l’énergie est une drogue, plus on en consomme, plus c’est sympathique, sauf que l’effet gueule de bois arrivera en différé, comme le réchauffement climatique par exemple.

En conclusion : le nucléaire est un très bon amortisseur de la décroissance à laquelle on devra faire face.

Conseils pour la jeune génération

Quelqu’un a dit un jour : « quand on a un problème, c’est un mauvais planning de passer 50% du temps à poser un problème et 50% du temps à le résoudre. Mieux vaut passer 95% du temps à poser le problème, car on aura besoin que de 5% du temps à le résoudre. »

Les sujets qui ont été abordés ici sont des problèmes nouveaux, qui demandent des changements conceptuels importants, qui demandent de bien comprendre de quoi on parle, qui demandent de bien faire la différence entre ce qui va se prolonger et ce qui ne peut pas se prolonger à l’avenir. Le premier conseil est de bien comprendre la situation dans laquelle on est.

Tous les gens qui s’organisent de façon pertinente sont passés par cette phase. La solution n’est pas forcément d’exercer des métiers dans le domaine écolo, mais ça permet de se forger sa propre opinion sur la façon de piloter son avenir. Documentez-vous, évitez les médias de masse et tant que vous n’avez pas de réponse cohérente, continuez de creuser.

Enfin, évitez les théories du complot en général, ça ne m’a jamais aidé à avancer.

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